SAINT MAURICE (22 septembre)

Diocèse aux Armées
Patron de l'Infanterie


Le supplice de Maurice et de ses compagnons, martyrs de la fin du 3è siècle, nous a été relaté par Saint Eucher, évêque de Lyon (449), dans sa “ Passio Acaunensium martyrum ”, souvent remaniée.
Dans le deuxième quart du 4ème siècle, Eucher adressa à Salvius, sans doute un évêque du Valais, le récit du massacre de la légion thébaine. Dans une lettre annexe, il explique qu’il veut sauver de l’oubli ces victimes et qu’il a été informé de leur fin tragique par des gens qu’avait renseignés Isaac, évêque de Genève. Cet Isaac, selon Eucher, avait connu Théodore, évêque d’Octodurum (Martigny) de qui dépendait Agaune, où s’était déroulée la tragédie. Contemporain de saint Ambroise, ce prélat avait assisté aux conciles d’Aquilée (381) et de Milan (390). Il n’était donc pas le contemporain des événements qu’il confia à son interlocuteur.

Voici résumée, la Passio dans sa version primitive. Au cours de la persécution de Maximilien, collègue de Dioclétien à la fin du 3ème siècle, une légion de Thébains fut envoyée d’Orient en Occident. Maximien, qui stationnait à Octodurum, ordonna à ses troupes de sévir contre les chrétiens, mais les Thébains, chrétiens eux-mêmes, se révoltèrent et s’arrêtèrent dans les défilés d’Agaune. Furieux, l'empereur ordonna la décimation des rebelles. Un nouveau refus de leur part entraîna une seconde décimation. Devant leur entêtement, le tyran les fit alors tous massacrer. La foi des soldats avait été encouragée par leurs chefs : Maurice, qu’Eucher considère comme le chef de la légion ; Exupère, une sorte de sous-officier instructeur ; Candide, sans doute officier. Chrétien lui aussi, mais étranger à la légion, le vétéran Victor, qui passait par hasard sur le lieu du carnage, refusa de s’associer aux orgies des bourreaux. Il s’affirma chrétien et fut aussi massacré. On dit encore qu’Ours et un autre Victor, martyrisés à Soleure, appartenaient à la légion thébaine. Eucher s’inspire ensuite de Lactance pour narrer le trépas de Maximien, réduit à s’étrangler près de Marseille, puis il nous confie que les corps des martyrs furent “ révélés ”, longtemps après leur passion, par Théodore évêque d’Octodurum. Celui-ci construisit sur leur tombeau une basilique adossée au rocher où les foules se rendent quotidiennement. La relation s’achève par deux miracles : la conversion d’un ouvrier païen qui participait à l’édification du sanctuaire et la récente guérison de la materfamillias Quinti.

Malgré le souci qu’on remarque chez Eucher de choisir ses sources, la Passio est moins une oeuvre historique qu’un enthousiaste panégyrique. Néanmoins, elle a le mérite de nous transmettre la tradition du temps sur l’existence du martyre. L’évêque de Lyon, qui écrivait quelque cent cinquante ans après l’événement, est le témoin d’un fait indiscutable : l’église d’Agaune, où les foules accourent en pèlerinage, a été élevée vers 360-370 par Théodore évêque d’Octodurum, en l’honneur de soldats martyrisés en ce lieu ou pour conserver leurs restes. Aucun doute ne peut ébranler ce témoignage. D’autre part, C. Julian a établi la vraisemblance des faits d’ordre politique et militaire : l’existence d’une légion thébaine dans l’armée romaine au temps de Maximien, son passage à Agaune, sa révolte et son massacre.

En tout cas, la Passio connut un si vif succès que les copistes du Moyen-Age l’ont transcrite non sans l’accommoder aux événements de l'histoire du monastère d’Agaune, et jusqu’à lui donner une forme assez éloignée de l’oeuvre d’Eucher.

Le martyrologue hiéronymien annonce Saint Maurice et ses compagnons, dont les noms ont pu être ajoutés par quelque compilateur des 6ème-7ème siècles. Bède ne cite que les quatre premiers, mais Florus ajoute Innoncent et Vital. Au 9ème siècle, la fête de Saint Maurice et de ses compagnons était célébrée à Rome et dans tout l’Occident. A Saint Pierre du Vatican, lors du couronnement de l'empereur, l’élu était conduit à l’autel de saint Maurice invoqué comme protecteur de l’armée “ romaine et teutonique ”. A Agaune même, des basiliques se succédèrent au cours des âges où affluèrent les pèlerins. Celle du VIème siècle construite par Théodore d’Octodurum s’appuyait au rocher. La deuxième, élevée par Sigismond, roi de Burgondie, fut consacrée le 22 Septembre 515. C’est à cette occasion que Saint Avit, évêque de Vienne, prononça son homélie pour l’inauguration de l’abbaye d’Agaune. Cette basilique et les suivantes, quoique construites à quelque distance de la montagne, furent toutes écrasées par les éboulements. Dans la cour qui sépare l’abbatiale actuelle du rocher, on a retrouvé les substructures des précédentes basiliques.

Selon la légende, Saint Martin de Tours, venu en pèlerinage à Agaune, aurait creusé le sol à l’endroit du martyre. Du sang en jaillit que le bienheureux recueillit en plusieurs fioles. Il en laissa une à Agaune et en donna d’autres à diverses églises, notamment aux cathédrales de Tours et d’Angers. Grégoire de Tours ne souffle mot de cette légende, mais raconte deux miracles obtenus par l'intercession de Saint Maurice, dont le culte se répandait dans tout l’Occident. Nombre de sanctuaires, en outre, se flattaient de posséder des reliques des Martyrs thébains. En France, 500 églises sont dédiées à leur “ primicier ” et 62 communes portent son nom. Au Moyen-Age, plusieurs ordres de chevalerie se placèrent sous sa protection, tels l’ordre des Saints Maurice et Lazare et l’ordre de la Toison d’or. Le chef de la légion thébaine n’a pas manqué non plus d’inspirer les artistes : qu’il nous suffise de rappeler les tableaux du Gréco à l’Escurial, et du Bernin au Vatican. Saint Maurice enfin patronne les teinturiers. Parce que son nom signifie ”le Noir ”, on le représentait volontiers sous l’aspect d’un Noir. Et comme il avait la peau d’une “ teinte ” sombre, les teinturiers le considéraient comme étant de leur confrérie.


Saint Erasme et saint Maurice
Grünewald
Munich, Ancienne pinacothèque



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